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Qu'est-ce que la Plateforme ?

"La Plateforme des Associations de Participation à l'Urbanisme et à la vie de la Cité de Paris et de la Région Parisienne" (janvier 1973)

En février 1968 onze associations lançaient un Manifeste sur le schéma directeur de Paris que devait voter l'assemblée parisienne. Le manifeste prenait parti contre les dispositions essentielles, du projet : la réalisation de grands pôles d'affaires dans Paris et le quadrillage d'autoroutes dans la ville. Il proposait par contre une évolution de la capitale qui tienne compte de la personnalité de ses quartiers et des exigences d'une croissance équilibrée de la région parisienne.

Le Manifeste a eu un large écho dans toute la grande presse et « Le Monde » écrivait : « Pareille initiative ne s'était jamais vue. » Cet écho a traversé les murs capitonnés de l'Hôtel de Ville. La majorité de ses élus n'a pas osé repousser le seul projet qui lui était soumis. Mais elle l'a amendé de telle sorte que le monstre est mort-né.

Ainsi était faite la preuve que l'intervention réfléchie et cohérente des associations sur la politique urbaine peut être une force de frappe. Loin de perturber le fonctionnement de la démocratie, elle s'est révélée capable de rassembler les énergies latentes d'une ville. C'est de ce constat et de ce pari qu'est née la Plateforme au soir d'un colloque d'une centaine d'animateurs au Centre de Borrégo en mars 1968. Désormais ils disposaient d'un lieu de rencontres, d'échanges, d'informations et de concertation de leurs efforts.

La première manifestation de la Plateforme a provoqué de violents remous : la présentation au public de l'explosive étude du Copras sur le projet d'aménagement du quartier des Halles. Et depuis lors, sans y consacrer l'essentiel de nos efforts, nous avons réalisé sur ce terrain une action pilote. Elle a eu des résonnances bien au-delà du quartier et même au-delà de Paris. C'est là que nous avons démontré l'efficacité des associations au niveau même des études préalables aux choix. On sait l'influence déterminante de l'étude du Copras sur la mise à mort de l'aberrant projet initial d'un vaste centre d'affaires et de résidence de luxe sur 35 hectares. Et le projet menaçait d'expulsion 18.000 personnes. Réduite aujourd'hui à une peau de chagrin, l'opération de rénovation ne pourra plus dès lors entraver la nouvelle vocation proposée par les associations : un lieu d'accueil et d'activités culturelles et touristiques. Tout au plus l'opération de rénovation risque-t-elle de constituer un dossier analogue à celui de la Villette.

C'est là aussi que les associations ont proposé une politique de remise en état des immeubles anciens, la réhabilitation. A l'époque, le Directeur de l'Urbanisme considérait cette solution comme un « fruit né de l'imagination des Associations ». Cinq ans plus tard, elle est très officiellement reconnue comme la seule solution d'une politique d'habitat à loyers modérés, là où le terrain est trop cher pour y construire des H.L.M.

C'est là encore que nous avons fait admettre, en 1970, qu'on ne doit plus vendre des espaces publics, surtout au cœur d'une ville. Et sur les espaces publics du carreau des Halles, nous avons pu démontrer la part dé-sormais essentielle de l'animation dans l'évolution urbaine. La démonstration a été tellement probante que le précédent Préfet de Paris, promu depuis lors à d'importantes fonctions dans l'un des plus puissants groupes immobiliers, s'est empressé de démolir les pavillons de Baltard au moment des vacances. L'opinion publique ne commençait-elle pas à se demander s'il ne valait pas mieux maintenir ce forum populaire plutôt que de construire un très coûteux complexe de commerces, de loisirs ? Et dès lors quelle justification aurait-on pu donner à la réalisation au-dessus du sol d'un ensemble de bureaux et de luxueux appartements ?

Sur ce terrain, mais sur bien d'autres aussi, à Paris, la Plateforme a su opposer à une politique mercantile des opérations urbaines, la priorité de l'intérêt général. Elle n'a pas agi aussi directement sur les nombreuses opérations où interviennent les associations, mais elle leur a apporté son appui chaque fois qu'elles l'ont estimé nécessaire. Et surtout la Plateforme a permis aux dirigeants des associations d'analyser en commun les principaux pro-blèmes urbains, habitat, équipement, circulation et transports, implantation des grands centres d'emplois. Dépassant les anachroniques frontières du schéma directeur de la région parisienne et sur ses applications.

Mais au-delà de ces interventions sur les grands projets et sur la muraille de Chine où s'étiole Paris, ces analyses réalisées avec le concours du bureau d'étude de la Plateforme, le Copras, se sont toujours situées dans leur véritable contexte, celui de la région parisienne. Certaines de ces études ont d'ailleurs porté sur les orientations mêmes du schéma, les orientations de la politique urbaine ; la Plateforme agit pour obtenir une refonte des méthodes et des structures de gestion urbaine. Sa proposition sur la réforme du statut de Paris, une ville, dont les Mairies sont les bastions avancés de la Préfecture, a eu d'importantes répercussions sur les projets des différents groupes politiques. La Plateforme a également pris position sur la nécessaire réforme des institutions au niveau de la région, notamment pour la création d'une assemblée démocratiquement élue.

Encore faut-il que nos structures municipales, départementales et régionales soient l'expression d'une nouvelle conception des rapports entre l'administration, les élus et les citoyens. Notre système politique, comme le droit français est profondément imprégné des principes de la philosophie sociale du 18ème siècle où s'affirme la priorité des droits de l'individu. Elle s'avère aujourd'hui totalement inadaptée aux conditions très différentes de notre société : une société de masses où l'épanouissement de la personnalité de chacun dépend pour beaucoup de la qualité de son milieu de vie et de ses possibilités d'insertion sociale. C'est dans cette perspective qu'intervient la Plateforme depuis Mars 1968 en traçant les voies d'une nouvelle dimension de la politique urbaine : la participation des citoyens à leur milieu de vie. Depuis lors les plus hautes instances en ont fait l'un des thèmes majeurs de leurs déclarations, sans pour autant refondre le système politique à cette dimension.

S'il appartient aux élus et à eux seuls de se prononcer sur cette refonte, il nous appartient de leur suggérer les moyens d'y insérer cette forme complémentaire, mais désormais indispensable, de la démocratie urbaine. N'est-il pas significatif que les travaux du Vlème plan pour la région parisienne aient retenu comme nouveau type d'équipe ment local, la proposition présentée par le Copras : le Centre d'Information et d'Animation Locale, structure d'accueil de la coopération urbaine ?

François SERRAND
président fondateur

janvier 1973

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